207 - Février 2021 Février 2021
Transidentités
« Fille ou garçon ? » « Mais enfin, c’est évident… » Hé là, pas si vite petit bolide ! Pour certaines personnes, l’identité de genre (fille-garçon) qui leur a été assignée à la naissance sur base de leur sexe (femelle-mâle) ne correspond pas à ce qu’elles vivent. Il s’agit des personnes transgenres. Tout ça n’est pas très clair pour toi ? Pas de panique ! Dans cet article, on te propose d’en apprendre un peu plus sur ce que sont les transidentités et de découvrir la réalité de Lou et de son staff, originaires de la province de Liège.
Transidentité est un terme général utilisé pour parler de l’identité de genre des personnes transgenres. Identité de genre ? Transgenre ? Expression de genre ? OK, d’accord, ça fait beaucoup de fois le mot "genre" alors on te propose de visionner la courte vidéo ci-dessus pour clarifier tout ça…
Contrairement à ce que la société tend à nous renvoyer, l’identité de genre n’est pas une notion binaire. Un individu ne doit pas nécessairement choisir entre le genre fille/femme ou le genre garçon/homme. Il existe d’ailleurs un bon nombre de personnes qui ne s’identifient ni en tant que femme ni en tant qu’homme, il est impossible pour elles de "choisir un camp".
Ce sont les personnes non-binaires, de genre fluide, bigenres, agenres, etc. Il faut imaginer ça comme un continuum dans lequel chaque individu est libre de se placer et d’évoluer à tout moment, en fonction de ce qu’il ressent. Il existe en fait une multitude de genres et non pas seulement deux. Différentes terminologies existent pour mettre en évidence cette pluralité des genres. Ces mots sont des adjectifs, ils qualifient une personne. On ne dit pas : un transgenre ou une cisgenre, mais bien une personne transgenre/cisgenre, etc.
L'identité de genre :
L’identité de genre, c’est ce qui nous correspond, c’est le genre dans lequel on se sent bien.
Quelques personnalités transgenres :
Lorsqu’on parle d’égalité entre les filles/femmes et les garçons/hommes, on parle d’égalité de genre et non de sexes.
Il est important de comprendre que ces quatre dimensions ne sont absolument pas liées entre elles et que l’on ne peut tirer aucune conclusion, aucun lien de cause à effet, de l’une par rapport à l’autre ! Ainsi, une personne de sexe biologique femelle peut très bien avoir une expression de genre très féminine et être homosexuelle, tout en se sentant femme. Ou encore une personne mâle à l’expression de genre féminine peut se sentir homme et être hétérosexuelle.
Le scoutisme contribue à la construction de communautés qui reconnaissent et apprécient la diversité et au sein desquelles tout le monde a sa place. En tant que scouts, nous reconnaissons le scoutisme comme étant un droit pour toutes et tous. Chaque jeune, peu importe ses origines, son handicap, son statut socio-économique, ses convictions, son identité de genre, son orientation sexuelle, etc. est invité à découvrir les valeurs du scoutisme et à y adhérer librement.
Lou fait partie de ces jeunes. Elle a 12 ans et c’est une petite fille transgenre. Depuis toujours, elle s’est identifiée au genre féminin. Elle a commencé son parcours scout chez les Baladins. Dans son unité, les filles et les garçons sont séparés à l’âge de 8 ans : les filles rejoignent la section Louvettes et les garçons rejoignent la section Louveteaux.
Sa maman explique : « Lou m’a fait part de son envie de recommencer le scoutisme, mais à condition de pouvoir intégrer la section des Louvettes. J’ai donc contacté Anaïs, qui est membre de l’équipe d’unité, pour savoir si c’était possible. »
À ce moment-là, Lou s’affirme déjà en tant que fille à l’école, où cela est bien accepté. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas et les personnes transgenres sont encore souvent victimes de propos ou actes transphobes.
La transphobie est une attitude négative pouvant mener au rejet et à la discrimination à l’égard d’une personne transgenre. Tout comme l’homophobie, la transphobie peut se manifester sous forme de violences verbales (mégenrage, insultes, propos discriminants…), violences physiques (agressions, viols, meurtres…), violences sociales (exclusion, rumeurs, jugements…) ou par un comportement discriminatoire ou intolérant (discrimination à l’embauche, au logement…).
Pour Anaïs, accueillir Lou chez les louvettes était une évidence : « Elle y avait tout à fait sa place puisque nous voulons que notre mouvement de jeunesse soit accessible à toutes et tous. Son identité de genre ne pouvait donc être un frein à sa participation. J’en ai d’abord parlé au reste de l’équipe d’unité et nous avons ensuite contacté le staff Louvettes de l’époque pour voir avec lui si cela ne posait pas de problème, mais surtout pour encourager et aider les animateurs dans l’accompagnement de Lou. »
Comment s’est passée l’intégration de Lou au sein de la meute ?
Dès le départ, la maman de Lou était prête à accompagner et à soutenir le staff : « J'ai toujours dit que j’étais disponible, ouverte à la discussion et qu’il n’y avait aucun problème pour moi d’en parler et de répondre à toutes les questions que les louvettes se posent. Mais le staff n’a pas fait appel à moi pour le moment, tout se passe le plus simplement du monde avec les louvettes. C’est important d’être ouverte à la discussion, car des questions ou des remarques, il y en aura toujours. Indépendamment du fait que tout le monde l’ait très bien accueillie, ça reste difficile pour Lou, car certaines filles sont au courant alors qu’elles ne devraient pas puisqu’elles ne la connaissent pas. Mais les bruits de couloirs sont légitimes et c’est pour ça qu'il est important d’en parler, pour éviter les propos transphobes. »
Le staff avait bien quelques appréhensions au départ...
… mais celles-ci furent rapidement dissipées grâce au soutien de la maman et de l’équipe d’unité.
De plus, pour rassurer les animateurs, une rencontre a été organisée avec l’institutrice primaire de Lou : « On nous a expliqué un peu la situation, comment ça se passait à l’école et ce qui avait été mis en place. Non seulement nous étions rassurés mais nous avons également pu transposer les bons conseils de l’école à notre réalité de mouvement de jeunesse. »
À leur tour, les animateurs ont alors pu répondre aux inquiétudes de certains parents : « On a eu des questions et réflexions de certains parents qui, au départ, n’étaient pas très ouverts à l’idée. Mais on en a discuté en réunion et on a envoyé un mail pour expliquer la situation. Finalement, aucun parent n’est venu nous trouver pour nous dire que ça lui posait vraiment problème. Les parents doivent aussi comprendre que notre meute est ouverte à toutes. »
L’intégration de Lou au sein de la meute s’est donc passée naturellement : « Quand on voit comment elle s’entend super bien avec les autres louvettes, toutes nos appréhensions s’envolent et il n’y a plus de questions à se poser. Tant qu’elle est bien, c’est le plus important pour nous. C’est une louvette comme les autres et puis voilà ! » Au sein de la meute, tout se passe donc bien pour Lou. « Il n’y a pas de quoi en faire tout un fromage » selon Baloo.
En tant qu’adultes, nous projetons beaucoup nos propres craintes sur les enfants. Et c’est normal, nous avons peur qu’ils soient exclus, rejetés ou moqués par les autres. Anaïs, membre de l’équipe d’unité, estime qu’« il y a vraiment une génération d’écart entre nous et les enfants. Auprès des louvettes, Lou est une fille et c’est comme ça ! Il n’y a pas de problème lié à cela. En plus, elle est bien entourée et ça se fait de façon très facile, sans trop la stigmatiser. Le staff a super bien géré ».
Son ancien Akela ajoute que « rien ne la différencie des autres petites filles. Beaucoup la connaissaient déjà de l’école, elle a donc été intégrée facilement. On n’a pas eu de grandes discussions autour de l’accueil de Lou parce que les louvettes n’ont pas vraiment posé de questions ».
Le staff Louvettes actuel confirme : « Tout se passe bien, ça se fait de façon très fluide. S’il y a des louvettes qui posent des questions, on en parle tranquillement avec elles de notre côté sans faire de grandes discussions de groupe. Le plus important, c’est de ne pas la gêner ou la stigmatiser. Là ça se passe bien, du coup on n’en parle pas vraiment, mais ce n’est pas un secret ni un tabou. C’est quand même déjà arrivé qu’il y ait des remarques mais, une fois de plus, on agit au cas par cas, on explique, on sensibilise sans faire culpabiliser ou engueuler. »
Quels aménagements ont été mis en place ?
Depuis son arrivée chez les louvettes, Lou a eu l’occasion de vivre deux camps. Sa maman nous explique que le moment des douches peut être difficile pour Lou car « elle a parfois des difficultés à parler de son corps, donc je ne pose pas trop de questions sur les douches en camp ». Mais elle ne s’est jamais vraiment inquiétée : « Je sais qu’il y a une volonté du staff d’encadrer ces moments au mieux, elle est écoutée et entourée. »
Le staff veille à être à l’écoute et à être attentif aux besoins de Lou. Baloo explique : « Elle est super autonome et elle se gère toute seule. On n’a pas dû aménager de trucs spécifiques, son but à elle, c’est d’être comme toutes les autres louvettes, donc si l’on commence à mettre des trucs en place, elle va se sentir plus différente qu’autre chose ».
L’ancien et la nouvelle Akela ajoutent : « Mais on a toujours veillé à ce qu’elle se sente bien. Pour nous, c’est le plus important. Par exemple, quand on est allé à la piscine, on lui avait proposé un vestiaire individuel pour se changer, mais elle a refusé. »
« Pareil pour nous, cette année, pour les douches, on n’a pas eu de problème, car c’était dehors au tuyau d’arrosage donc elle se lavait en maillot comme toutes les autres louvettes. »
Que dire à des animateurs hésitants quant au fait d’accueillir un-e scout-e transgenre ?
« N’HÉSITEZ PAS ! Lou est une petite fille avant tout. Elle a tout à fait le droit de faire du scoutisme comme tout le monde. Ce n’est pas à nous, ni aux parents, ni à l’unité de décider si elle est à sa place. Si elle décide qu’elle veut être chez les louvettes, nous, notre rôle, c’est de l’y accueillir. »
Pour que cet accueil se déroule au mieux, le staff Louvettes vous livre ces quelques conseils :
Pour la maman de Lou, c’est normal d’avoir peur et de se poser des questions. Mais il ne faut pas s’arrêter à ça.
« Il faut sortir de ce cadre binaire que nous impose la société et accueillir la personne comme elle est. Je caricature et je prends des mots simples, mais on peut tout à fait être une fille avec un zizi, être un garçon sans zizi, être un garçon mais s’habiller de manière féminine, etc. L’identité de genre, c’est quelque chose de différent de ce qu’on a dans le pantalon. Puis, ça ne regarde personne ce qu’on y a et ça ne change pas la personne qu’on est. Il faut vraiment transmettre cette information et déconstruire le schéma dans lequel on nous enferme. Montrer que ça peut partir dans tous les sens et qu’il ne faut pas rester dans ce système rigide et binaire. On doit être comme ça ou comme ça et surtout pas partir dans l’autre sens. Le schéma est bien plus complexe et part dans tous les sens, et quand on comprend ça, on se dit, mais purée, qu’est-ce qu’on en a à faire de ce qu’il y a dans le pantalon d’un enfant ? Ce n’est pas notre problème !
Il faut accueillir l’enfant comme il est, en tant que personne. Les enfants sont des personnes à part entière, ils sont qui ils veulent et on les aime pour leurs qualités, pour ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. »
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☑ N’hésite pas à demander du soutien à ton staff, ton équipe d’unité, ton équipe fédérale ou à l’équipe Diversité & Inclusion du 21 : lesscouts@lesscouts.be. Nous sommes là pour répondre à tes questions !