#197 Novembre 2019
Édito
Prendre des décisions n’est jamais facile.
Être dans un lieu qui prend des décisions en collectivité ne l’est pas plus. Mais ne pas être dans un lieu qui prend une décision, et devoir la porter après, est encore pire. Je te donne un exemple.
Demain, ton conseil d’unité se réunit. Pas de bol, l’anniversaire de mamy t’empêche d’y être présent. En même temps, ça fait 3 ans que tu te les tapes ces conseils d’unité, t’as compris. Il se fait que l’équipe d’unité a décidé de parler de la prochaine journée de passage. « C’est bon, ils vont gérer ». Et te voilà en route dans tes plus beaux atours d’anniversaire. Pendant ce temps-là, au conseil d’unité, l’équipe d’unité amène la proposition de réduire le weekend de passage à une journée pour économiser l’énergie de tout le monde, et de la faire une semaine plus tôt, comme ça on gagne une réunion sur septembre. Comme ils ont fait ça bien (ils sont quand même bons les membres de ton staff d’unité), ils ont amené tout un processus qui permet au CU de se positionner en toute connaissance de cause. La proposition a été faite, les clarifications demandées, les objections relevées, les améliorations faites, et le consentement a été prononcé. Chacun et chacune, en son âme et conscience, a pu voter, nourri de son avis, son expérience, et de ce qu’il a entendu ce jour-là. Et bardaf, alors que tu entonnes un tonitruant : « Moi j’ai 80 ans, 80 ans comme ça » pour ta mamy préférée, le CU adopte la proposition.
Le lendemain soir, tu apprends en rentrant à ton kot (ton coloc’ est aussi ton co-staffeur, l’unité est une grande famille), la fameuse décision.
- Et y’avait qui du staff Bala ?, demandes-tu un peu inquiet.
- Personne.
Ah. Ça fait pas tes affaires ça. Si t’avais su qu’il n’y avait personne, tu serais peut-être passé au CU pour rejoindre la fête après. Ou tu aurais amené tes réflexions à quelqu’un du CU. Mieux, si tu avais lu l’ordre du jour, vous auriez pu préparer le point lors de votre dernière réunion de staff pour faire part de vos remarques au staff d’unité. Et c’est quand même dommage parce que t’avais des bons arguments pour ne pas diminuer la durée du passage, et pour ne pas l’avancer d’une semaine.
Te voilà tout seul, dans ta chambre, ruminant ce truc. Pas de chance, c’est dans 9 mois, tu vas encore le ruminer longtemps. Bah si c’est comme ça, l’an prochain j’arrête. Ou je vais pas à la journée de passage.
Évidemment, ce n’est ici qu’un exemple.
Mais imagine cela au niveau fédéral.
Demain, en février (c’est presque demain), les gars et les filles qui viendront passer une journée du tonnerre à Courrière (pains au chocolat, raclette, et que sais-je encore, la fédé fait quand même parfois les choses bien) auront l’occasion de prendre de grandes décisions pour l’avenir de la fédération. Et ton unité, parce que « annif de mamy généralisé sur 4 dates », ou parce que « pas eu l’info », ou encore « parce que, parce que, parce que », n’y a envoyé personne. Et bardaf, une décision est prise, décision qui ne vous arrange pas, mais pas du tout. Qu’allez-vous faire ? Arrêter l’unité l’an prochain ? Ne pas animer ? Ne pas être en symbiose avec cette décision et faire ce que vous voulez de votre côté ?
C’est exactement ça l’enjeu d’avoir un-e délégué-e permanent-e. Être certain qu’à chaque grande décision du mouvement, quelqu’un pourra se nourrir des avis des animateurs de ton unité, et venir prendre la meilleure décision possible, dans l’intérêt fédéral. Toutes les grandes décisions se sont prises comme ça.
Changement de Loi scoute (2012), coéducation comme élément identitaire de notre fédération (1997), Destination 2028 (2016), suppression du mot « catholique » du nom de fédération (2006), refus de l’uniforme commun à toutes les branches (2000)... Et ça ne risque pas de s’arrêter puisque nous allons devoir nous prononcer, dans les 2 ans ½ qu’il nous reste, sur l’arrivée du 8e point dans la méthode scoute, sur la révision des priorités à long terme et sur l’identité de notre fédération.