206 - Décembre 2020 Décembre 2020
Édito
C’est partout pareil. En ce moment, le mot « démotivation » est celui que j’entends le plus dans mes diverses rencontres. Un animateur d’unité me ramène : « C’est difficile de maintenir la motivation des staffs. ». Un cadre rapporte : « Difficile de motiver pour encore faire une réunion en virtuel. On manque vraiment de contact avec les unités. ». Un animateur fédéral m’annonce hésiter à démissionner : « J’ai plus la motivation. ».
Eh bien vous savez quoi ? C’est normal. Absolument normal.
Et vous savez quoi ? Encore une fois, je mesure la richesse de notre mouvement.
Nous fonctionnons comme une grande tour de blocs en bois. Qu’est-ce qui fait que la tour tient ? Pas tellement qu’elle soit parfaitement construite. Plutôt que les blocs soient bien agencés les uns par rapport aux autres. Chaque bloc est encadré, serré, soutenu, maintenu, gardé, par celui du dessus et celui du dessous. C’est ça qui fait qu’il ne tombe pas, même s’il est un peu en déséquilibre à un moment de la construction : il y a toujours un autre bloc pour le soutenir.
Notre structure bénévole fonctionne exactement comme cela pour le moment : chacun a un rôle à jouer dans le soutien d’une autre personne, à un moment donné. La motivation fonctionne en vase communiquant : un matin, je pète la forme. J’ai réunion avec B., qui a une perte de motivation. On discute, on échange, on rit, on évoque des solutions. Et sa motivation pourra repartir à la hausse. Il aura lui-même une rencontre, plus tard, avec quelqu’un qui aura besoin d’être reboosté. Et le vase communiquant fera son effet.
Certains ont trouvé la force d’être résilients. D’autres ne veulent pas l’être. Certains encore n’en trouvent pas la route. Et tout cela est bien ainsi. L’important, c’est que nous sommes tous le "reboosteur" de quelqu’un d’autre. D’un animateur. D’un animateur d’unité. D’un cadre. D’un scout. Et que nous avons tous un "reboosteur" quelque part. Un animateur. Un animateur d’unité. Un cadre. Un scout.
Mais pour pouvoir faire cela, il faut pouvoir offrir du temps de qualité à celui ou celle qui en a besoin. Et pour assurer cette qualité, il faut avoir pris du temps pour soi. Afin que le temps offert à l’autre ne soit pas une énième discussion virtuelle au bout de la journée, ou une réunion scoute casée entre 357 choses à faire sur la journée.
Nos agendas sont bouleversés. Nos modes de vie aussi. Nos besoins aussi. Et il faut pouvoir le lire et l’accepter.
Notre volonté de bien faire, toujours mieux, fait que, probablement, nous avons tendance à tous continuer à nous donner à 2000% en ce moment, et répondre à toutes les sollicitations.
Et c’est normal : vous êtes, nous sommes, scouts. 😉 Mais ne vous oubliez pas dans cette histoire. Peut-être que réduire la fréquence des réunions à une semaine sur deux ne sera pas si grave, si cela vous permet de prendre la semaine suivante pour faire des choses pour vous, des trucs que vous laissez dans la liste des « à faire » et qui vous prennent de la charge mentale. Peut-être que proposer que vos réunions soient plus courtes, ou changent de formule, ne sera que plus bénéfique aux temps où vous bosserez ensemble. Peut-être que de diminuer la pression sur vous, sur votre petit bout de bois, permettra de mieux soutenir le bloc du dessus et celui du dessous. Et de laisser du temps, à ceux au-dessus et en dessous de vous, de prendre soin de vous.
Nous sommes dans un marathon. Pas un sprint. Cette crise est longue, et elle va encore durer. Nous devons donc tenir sur la longueur. Pas tout faire le mieux possible très vite. Faites un break. Pensez à vous et à la meilleure manière de vous organiser, en staff, pour offrir le plus de temps de qualité possible aux enfants, sans perdre le temps de qualité pour vous. Parce que s’oublier soi, c’est fragiliser toute une structure. Si ton bloc tombe, c’est toute une pile qui s’effondre. Et plus que jamais, nous devons faire bloc, pour faire face à cette situation.
Je te souhaite tout le meilleur pour les semaines à venir. Et surtout, au milieu de ces fêtes anormales et ces blocus bizarroïdes, je te souhaite le plus beau des cadeaux : un peu de silence pour t’écouter toi, dans ce vacarme qui gronde dehors.
Signé : les blocs du dessus et du dessous.
PS : merci à mes petits blocs du dessus et dessous de m’avoir offert ce merveilleux cadeau de me convier à une réunion, en m’annonçant au début de celle-ci : « Voilà. On t’a bloqué, dans ton agenda, du temps pour toi. Maintenant tu fermes ton PC, tu vas faire ce que tu veux pendant 45 minutes, quelque chose pour toi, que tu laissais depuis trop longtemps. Et dans 45 minutes on se retrouve ici pour partager ! ». ❤